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Al Jazeera suspendue en RDC : Quand la CSAC dégaine son marteau de la liberté… à usage limité

Lundi 13 janvier, dans une décision qui résonne comme une leçon de civisme médiatique, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) a suspendu, à titre conservatoire, la chaîne internationale Al Jazeera sur l’ensemble du territoire de la République Démocratique du Congo. Oui, vous avez bien lu : 90 jours de silence imposé pour un média globalement réputé pour son impertinence journalistique. Le crime ? Avoir osé interviewer Bertrand Bisimwa, leader du M23, dans une séquence que le CSAC a rapidement qualifiée d’“apologie de la guerre”. Al Jazeera, cette chaîne pourtant habituée aux ouragans politiques, se serait-elle donc aventurée sur un terrain trop miné ?

Les directeurs des télédistributeurs congolais, disciplinés comme jamais, devront désormais jouer les gardiens du temple médiatique en assurant le respect strict de cette suspension. Un zèle de la régulation que l’on espère appliqué avec la même vigueur dans tous les secteurs ! Dans un communiqué empreint de gravité, Bruno Mbolison, vice-président du CSAC, et Oscar Kabamba, son rapporteur, ont donné le ton : “Le procureur général près le conseil d’État, ainsi que le directeur général du RENATELSAT sont priés, chacun en ce qui le concerne, de concourir à la bonne exécution du présent acte”. Les Congolais se rassurent donc : l’ombre d’Al Jazeera ne planera plus au-dessus de leurs écrans, du moins jusqu’au 13 avril.

Le motif de cette suspension ? Une interview, diffusée le 1er janvier 2025, où la journaliste Bojana Coulibaly, présentée avec subtilité comme “militante à la solde du Rwanda”, aurait laissé Bertrand Bisimwa dérouler son argumentaire, mettant ainsi en danger l’ordre public et la sécurité nationale. Il faut bien reconnaître que dans une RDC où la sécurité est un sport de haut niveau, une telle interview pourrait en effet déséquilibrer les âmes sensibles.

Le CSAC, en gardien intrépide de la quiétude nationale, rappelle que cette chaîne, qui joue volontiers les trouble-fêtes, “frise non seulement l’apologie de la guerre, mais aussi incite à la rébellion contre l’autorité publique”. On ne s’étonnera donc pas qu’Al Jazeera ait pris la tête d’une liste noire qui aurait pu compter quelques autres médias aux prises avec des vérités trop dérangeantes.

Loin de nous l’idée de critiquer cette démarche noble de protection des esprits vulnérables de nos compatriotes. Après tout, la liberté d’expression est un concept flexible, qui se plie volontiers aux besoins du moment. Et n’oublions pas que l’ordre public, la sûreté nationale, et la sécurité priment toujours sur l’éthique journalistique. Ce n’est qu’une parenthèse de trois mois, après tout.

La rédaction

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