Code ya mboka, cash ya mboka : la prison fantôme de Kisangani et la cavale dorée de Willy Musheni
En République démocratique du Congo, même les prisons ne veulent plus naître. Alors que le pays manque cruellement de lieux pour loger ses nombreux délinquants publics, voilà que 19 millions de dollars censés bâtir un centre de redressement à Kisangani se sont mystérieusement évaporés – ou, plus précisément, se sont redressés tout seuls vers des poches privées. Le procureur général Firmin Mvonde, l’homme qui parle plus avec ses lettres qu’avec la justice, a lancé les grandes recherches : objectif, retrouver Willy Musheni, alias “Code ya mboka”, qui semble avoir entré le mauvais code dans le coffre-fort de la République.

Le désormais célèbre mécène aux ambitions carcérales douteuses est accusé d’avoir orchestré un chef-d’œuvre d’illusion budgétaire avec sa société Zion Construction, que personne n’a jamais vue, sauf sur papier à entête Word. Une société plus fictive que la transparence budgétaire à Kinshasa. Pendant que la Tshopo attendait des cellules bien alignées, c’est plutôt des comptes bancaires bien garnis qui ont émergé dans d’autres latitudes. Les plans de la prison ? Un PDF. Le terrain ? Une rumeur. Les briques ? Un mirage.
Et comme un bon film congolais ne va jamais sans suite, l’affaire éclabousse même le ministre de la Justice, Constant Mutamba, qui avait, selon la Cenaref, lui-même placé les 19 millions sur un compte bancaire — avec un zèle digne d’un trésorier de club de motards. Une prison construite directement à la banque, sans mur, ni barbelé, mais avec toutes les sécurités numériques. C’est ce qu’on appelle un centre pénitentiaire virtuel, version Web 3.0. Pendant que le peuple dort à la belle étoile, l’argent dort dans les étoiles… bancaires.
Et maintenant, tout le monde cherche “Code ya mboka” comme s’il avait inventé un algorithme national de disparition d’argent. Mais on se demande : et s’il n’était que le fusible brillant d’une électricité bien plus vaste ? Après tout, dans cette histoire, il semble que seule la prison a été emprisonnée, et que les prisonniers potentiels, eux, se baladent en SUV climatisés, parfumés à l’impunité. La RDC n’a pas construit de prison, mais elle vient d’ériger un chef-d’œuvre de sarcasme national.
La rédaction